Notes de lecture :
PERRAMUS
d'Alberto Breccia et Hector Oesterheld
Au mois de juin de cette année, Neuvième Art 2.0 a consacré un volumineux dossier sur Alberto Breccia. Parmi les textes publiés, j'ai écrit "Perramus : la bande dessinée révoltée", dont voici les premières lignes.
« Proceso de Reorganización Nacional » (Processus de réorganisation nationale) : tel est le doux euphémisme dont se dota la junte militaire argentine pour taire le titre infâme de dictature, qui sévit pourtant dans le pays à partir du coup d’état de 1976 jusqu’à sa chute en 1983, suite à la guerre des Malouines. En sept années de sévices, elle causa un nombre incalculable d’exécutions, de disparitions et de rapts d’enfants. Le scénariste de bande dessinée Hector Oesterheld fut au nombre des victimes directes de ce terrorisme politique, avalés par la machine folle du régime militaire, broyés par son intolérance sanguinaire.
Pourtant, les auteurs de bandes dessinées n’étaient pas les cibles privilégiées de la junte, comme le rappelle Carlos Trillo : « N’oublions pas que nous étions réfugiés dans une revue de bande dessinée (Superhumor) et que ce n’était pas là que la censure allait chercher ses proies ». Pour une fois, la vision réductrice et infantile attachée au Neuvième Art a ainsi contribué à le préserver et à en faire un moyen d’expression privilégié pour la contestation politique. Aux yeux du régime, la bande dessinée était négligeable, elle était insignifiante, sans conséquence, dénuée d’ambitions morales ou intellectuelles. Si ce point de vue apporte une preuve supplémentaire de l’étroitesse d’esprit dont dispose un totalitarisme répressif, il n’en conduit pas moins à un terrible constat, sous forme de question rhétorique : que peut la bande dessinée contre l’aveuglement barbare d’un régime politique, contre la soif de pouvoir des hommes et leur inclinaison pour le crime et la corruption ? Elle n’est pas capable d’agir, mais elle peut montrer et dire, dénoncer et représenter, faire prendre conscience et donc peut-être faire réagir. C’est au final le sens de toute représentation : celui de saisir une image du monde et d’interagir avec elle. Et cette vocation n’a jamais tant d’importance qu’en contexte de crise, où elle livre l’humanité de chacun dans son dénuement le plus total et l’aide, dans le meilleur des cas, à se redresser et à reprendre courage.
La suite est à lire sur le site de Neuvième Art 2.0 :
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