mercredi 12 décembre 2012

A la loupe : Tintin en Amérique d'Hergé, extrait de l'article "Souterrains" du Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée

A la loupe :

Tintin en Amérique d'Hergé,

extrait de l'article "Souterrains"

du Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée

 
 
Ce mois-ci a été mis en ligne ma première contribution au Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée dirigé par Thierry Groensteen pour Neuvième Art 2.0.
 
Ce texte revient sur l'histoire de la représentation du souterrain dans les mythologies et la littérature et son influence dans la bande dessinée, ainsi que les significations qui lui sont intrasèques.
 
Vous pouvez donc retrouver l'intégralité de cet article à l'adresse suivante :
 


J'en offre ici un court extrait illustré.
 
 
 
Selon Jung et sa méthode psychanalytique, le sous-sol symbolise aussi une phase régressive ; souterrain, abîme, tunnels représentent alors le giron maternel, la Terre-Mère, le lieu des origines. Il est amusant, à cet égard, de se souvenir qu’Edgar P. Jacobs, qui a fait des souterrains le théâtre privilégié de ses récits, a été victime dans son enfance d’une chute au fond d’un puits, événement traumatisant qui pourrait apparaître comme la scène originelle, la scène primitive de son imaginaire. De manière beaucoup plus générale, on peut voir aussi dans le monde souterrain le lieu des origines du dessin lui-même, qu’il s’agisse de l’art rupestre des grottes préhistoriques, des hiéroglyphes présents dans les galeries et tombeaux de l’Egypte Antique, ou encore des dessins « grotesques » dont le nom vient précisément de l’italien la grotta, qui devint ensuite la grottesca, en hommage au lieu de leur découverte. Ainsi, après bien des transformations et développements, la bande dessinée trouve sa source dans la grotte primitive dont les parois servaient de support à la projection graphique d’un imaginaire immémorial. En 2011, l’album Rupestres exprimait l’émoi de six dessinateurs (Prudhomme, Guibert, Rabaté, Troub’s, Mathieu et Davodeau) devant les représentations de leurs « collègues » de la Préhistoire.


 


Un épisode de Tintin en Amérique nous offre l’allégorie de cette filiation. Le héros s’est aventuré dans un étroit tunnel et découvre une grande salle souterraine « décorée de dessins indiens ». Dans les deux cases qui prennent la salle comme décor, l’ombre projetée de Tintin se mélange aux petits dessins rupestres, comme pour montrer leur nature similaire. Alors, au milieu des ténèbres du souterrain, le héros de bande dessinée découvre dans son ombre l’altérité de sa condition, projection en noir sur blanc. Il fait ainsi remarquer que « c’est probablement dans cette grotte que se réfugiaient les Orteils-Ficelés, lorsqu’ils étaient traqués par leurs ennemis ». Dans ce contexte, les indiens, « c’est les autres », c’est l’altérité,c’est le contraire de Tintin le visage pâle (pourtant Tintin lui-même reviendra s’y cacher, poursuivi par les Peaux-Rouges, forcé à s’inscrire dans leur filiation, à les imiter, à être comme eux). L’ombre de Tintin dans la grotte lui rappelle qu’elle est à la fois la projection de sa propre image, mais aussi celle de quelque chose d’autre, de plus primitif mais qui fait partie de lui-même : le dessin de ses origines.
 
 

Cases extraites de l'album Tintin en Amérique Copyright © Hergé / Moulinsart 2012


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